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Félix Croft : « Ils veulent faire un exemple »

Poursuivi par la justice italienne pour avoir apporté son aide à une famille d’exilés soudanais, ce jeune « passeur solidaire » connaîtra aujourd’hui le verdict du tribunal d’Imperia. Le procureur a réclamé une peine démesurée de trois ans et demi de prison !

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La justice italienne rendra, aujourd’hui en fin de matinée, son verdict concernant Felix Croft, un jeune « passeur solidaire » azuréen. Le 16 Mars, le procureur du tribunal d’Impéria a requis 40 mois de prison et 50 000 euros d’amende à son encontre, pour avoir transporté dans sa voiture, le 22 Juillet 2016, une famille de soudanais.

 

Un réquisitoire démesuré en comparaison d’autres affaires du même type. Quelques semaines auparavant le Tribunal de Nice s’est, par exemple, montré plus clément envers Cédric Herrou, le relaxant de la plupart des chefs d’accusation mais le condamnant à 3000 euros d’amende avec sursis parce qu’il n’a pas fourni la preuve des risques réellement encourus, à Vintimille, par ceux qu’il a aidés.

Concernant Félix Croft, la dangerosité de la situation dans laquelle se trouvaient les personnes qu’il a pris en charge est indéniable. Parmi elles, une femme enceinte et un enfant brûlé sur tout le flanc droit, qui allaient se retrouver à la rue, au terme de leur hébergement temporaire par une association italienne.

Depuis deux ans, des centaines de réfugiés vivent à Vintimille dans des conditions humanitaires déplorables. Depuis l’été 2016, au moins 8 personnes sont mortes en tentant de franchir la frontière. Cédric Croft fait parti de ceux qui refusent cette fatalité.

 

Comment appréhendez-vous l’audience d’aujourd’hui ?

 

Cédric Croft : J’essaie de rester détendu. Je ne vais pas me pourrir la vie avant.  Mais, c’est vrai, j’ai peur. Mon procès n’est pas tout à fait comme celui des autres solidaires qui ont été jugés à Nice.  Le procureur a été particulièrement sévère à mon encontre. Son réquisitoire était politique. Peut-être à cause de sa sensibilité aux sirènes de l’extrême droite… Mais Je l’explique surtout par le fait que l’Italie ait à jouer le rôle de police aux frontières pour l’union européenne toute entière. Et aussi, parce que mon procès est une première de ce côté de la frontière. Ils leur faut montrer l’exemple. À Vintimille l’ensemble des manifestations associatives et citoyennes de solidarité sont quotidiennement réprimés. C’est la même logique. Si on me condamne de la prison ferme je ferai appel.  J’espère que je pourrais le faire en liberté.

 

A Menton, la frontière est fermée depuis bientôt deux ans. Comment voyez-vous la situation évoluer ?

 

Cédric Croft : Depuis mon procès, je n’agis plus du côté Italien. Je continue en France à participer aux réunions et Je m’attache à convaincre de plus en plus de gens du bien-fondé de nos actions de solidarité. La situation des réfugiés empire à Vintimille. Avec les beaux jours, de plus en plus d’exilés arrivent. Nos actions portent cependant leurs fruits. Le maire de Vintimille vient de suspendre son arrêté interdisant de distribuer de la nourriture et dans les vallées transfrontalières, depuis la condamnation du préfet des Alpes-Maritimes, par le Tribunal administratif de Nice, pour refus d’enregistrement des demandes d’asile, les gendarmes collaborent plus souvent avec les associations pour permettre aux réfugiés d’accéder à leur droit. La lutte paie. Mais rien n’est gagné. Pour l’instant aucune solution d’accueil pérenne n’a été mise en place dans les Alpes-Maritimes et la frontière reste fermée. Il faut continuer à pousser. Le résultat des élections présidentielles aura sans doute aussi un impacte sur l’évolution de la situation.

 

Les procès, à Nice, de Pierre Alain Mannoni et de Cédric Herrou, d’autres citoyens-solidaires, ont donné lieu à de fortes mobilisations populaires. Bénéficiez-vous des mêmes soutiens ?

 

Cédric Croft : Beaucoup de gens se mobilisent autour mon procès. Au Parlement européen des députés sont intervenus en ma faveur. Il y a beaucoup de signatures de la pétition et je reçois de nombreux témoignages de soutien. Mais ce n’est pas pour moi que je m’inquiète le plus.  Aujourd’hui, à Aix, à 14h30, Ahmed, un jeune réfugié soudanais doit être jugé. Le 23 mars, il a refusé de monter dans l’avion qui devait le reconduire à Khartoum. C’est un opposant au régime de Béchir. Si l’État Français le condamne et l’expulse, les conséquences seront cent fois plus grave pour lui que pour moi, si les italiens m’emprisonnent. Plusieurs Soudanais renvoyés sont morts ou ont disparus à leur retour.

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Tag(s) : #Immigration, #Exilés, #Société et solidarité, #Europe forteresse, #Frontière italienne, #Italie, #Entretien
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