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Accueil des exilés. La belle solidarité cévenole

À Saint-Bauzille-de-Putois, dans les Cévennes, des habitants refusent la fermeture du centre d’accueil qu’ils ont fait fonctionner depuis octobre.

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L’histoire, débutée à l’automne, paraissait mal engagée. Dès l’annonce de la création d’un centre d’accueil et d’orientation (CAO) sur la commune de Saint-Bauzille-de-Putois (Hérault), censé accueillir 87 exilés en provenance de Calais, le maire s’était empressé de s’y opposer et la Ligue du Midi, un groupe néofasciste, d’en faire un cheval de bataille. La tradition d’hospitalité des Cévennes méridionales en prenait un coup. Trois mois plus tard, la mobilisation de plusieurs centaines de citoyens solidaires a rendu à ce territoire son statut historique de terre d’accueil pour tous les réfugiés. Aujourd’hui, ils se battent pour le maintien de la structure qu’ils ont contribué à faire fonctionner avec brio.

Le 12 octobre, Michel Issert, l’édile de ce village de 1 600 habitants, situé à 50 kilomètres au nord de Montpellier, reçoit un coup de fil du préfet. Le centre de vacances les Lutins cévenols, menacé de liquidation, vient d’être racheté par le groupe SOS Solidarité. Il devra accueillir une partie des 207 exilés que l’État compte réinstaller dans l’Hérault après le démantèlement de la Jungle de Calais. Le maire crie au scandale. Refuse qu’on lui impose ce qu’il prend pour un « diktat » et va jusqu’à menacer de démissionner. Il écrit au préfet, propose aux maires de sa communauté de communes de voter une « motion anti-migrants ». La quasi-totalité des élus la signent. Il organise des réunions publiques, attise les peurs et les préjugés. L’extrême droite héraultaise y voit un terreau propice où semer son idéologie haineuse. Des groupuscules néofascistes font du village leur cour de récréation et des banderoles sont dressées à l’entrée de Saint-Bauzille-de-Putois.

Contre la haine raciste,le bouche-à-oreille citoyen

D’abord isolés, ils sont vite plusieurs à trouver cette situation inacceptable. Une habitante ouvre sans en parler à personne une page Facebook « Saint-Bau solidaire ». Des jeunes femmes qui s’étaient mobilisées quelques mois auparavant pour envoyer à Calais des vêtements et couvertures pour les exilés (lire notre édition du 25 janvier 2016) se retrouvent. « On a d’abord été une petite dizaine, raconte Dominique MacDougall, du collectif Accueil en Cévennes. On a créé une mailing list et fait fonctionner le bouche-à-oreille. À la troisième réunion, nous étions déjà 70. Et aujourd’hui, nous rassemblons plus de 220 bénévoles. » Fin octobre, les réfugiés arrivent. Ils sont moitié moins nombreux que ce qu’avait annoncé le préfet : 41 Soudanais, un Érythréen et un Pakistanais. Âgés de 22 à 35 ans. Dans le centre de vacances, les 11 salariés dont les emplois ont été sauvés in extremis grâce au rachat de la structure par SOS Solidarité ne sont pas formés pour ce type de public. Jusqu’ici, ils accueillaient des groupes de vacanciers. Il faut pourtant assurer un suivi médical aux nouveaux arrivés, les accompagner dans leur demande d’asile, leur permettre de s’intégrer à ce nouvel environnement. Mais rien n’est prévu par la préfecture. Le collectif va pallier les défaillances de l’État en créant plusieurs commissions. On organise des cours de français, à raison de cinq heures par semaines, 30 bénévoles issus de professions médicales sont mobilisés. « En un après-midi, le dentiste du village a fait 15 consultations de façon complètement bénévole, explique Christelle Ginanneschi, une autre membre du collectif. Les dossiers de demande d’asile ont pu rapidement être constitués grâce aux traducteurs arabophones, eux aussi bénévoles. Tous les dossiers ont été déposés dans les délais impartis. »

Sur ces démarches de première urgence se sont greffées de nombreuses autres initiatives : sorties au théâtre, au musée, organisation de repas partagés, concerts… Le tout formant un accompagnement d’une rare qualité, au regard de ce qui se passe dans les autres CAO, par manque de moyens appropriés. « Après bientôt trois mois de fonctionnement, il apparaît que tous les acteurs investis, de près ou de loin, dans ce projet en ont fait bien plus qu’un CAO », affirment pour leur part les salariés du centre d’accueil, dans une lettre récemment adressée au préfet. « On peut parler d’un véritable pôle social, médical, culturel et sportif à l’œuvre. »

Ce formidable élan de solidarité est aujourd’hui menacé… par la réussite même du projet. Un des exilés a d’ores et déjà obtenu son statut de réfugié, 30 d’entre eux vont être déplacés en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, leurs dossiers ayant été enregistrés. Deux attendent déjà leur rendez-vous à l’Ofpra. Une fois vidé, le CAO devra fermer, mettant en péril les 11 emplois jusqu’ici maintenus. Mais les salariés du centre et les bénévoles du collectif ne l’entendent pas de cette oreille. Des courriers ont été envoyés au préfet et un rendez-vous a été pris au début du mois de février. « Le centre dispose de toutes les infrastructures nécessaires pour le maintien d’une structure d’accueil pérenne », argumente Christelle. Et d’ajouter : « Les politiques migratoires françaises et européennes doivent changer. Avec l’ensemble des actions menées partout sur le territoire, ce sont les citoyens qui ont aujourd’hui une véritable expertise de la situation. » À suivre.

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Tag(s) : #Immigration, #Exilés, #Reportage, #Société et solidarité
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